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19/11/2013

Nous sommes des entrepreneurs sociaux - Loi ESS - Edito d'Yves Vérollet Délégué général UNA


Associations, mutuelles, coopératives et fondations constituent les familles historiques de l’économie sociale et solidaire. Pour la première fois un ministère de plein exercice couvre ce champ et est à l’origine d’un projet de loi qui entend mettre en pleine lumière ce mode d’entreprendre original, assis à la fois sur une gouvernance démocratique et une affectation des bénéfices (quand il y en a !) consacrée au maintien ou au développement de l'activité de l'entreprise. Pour l’Union des Employeurs de l’Economie Sociale et Solidaire (UDES) « L’économie sociale et solidaire se caractérise par une manière différente d’entreprendre et vise à promouvoir des formes d’entreprises qui privilégient le service rendu avant le profit, tout en étant de véritables acteurs économiques. ». Elle représente 2,3 millions de salariés et pèse 10% du PIB.

Le projet de loi relatif à l’ESS, au-delà de nombreux aspects positifs interpelle les acteurs historiques. Il a inquiété les fédérations du Domicile au point que notre Union syndicale de branche avait écrit une contribution au printemps dernier et a été reçue au cabinet de Benoit Hamon le 27 mai. Cette mobilisation a été aussi le fait d’autres branches de l’ESS. Elle a permis de répondre à une partie de nos craintes puisque le document présenté au Parlement a été modifié mais ne les a pas fait disparaitre complètement. Alors pourquoi une inquiétude autour d’un texte qui veut promouvoir l’ESS ? Tout simplement parce que le projet de loi, vise à ouvrir ce champ à de nouveaux acteurs en l’occurrence des sociétés commerciales qui s’engageraient à respecter les mêmes principes que les acteurs reconnus de l’ESS que sont les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations auxquels s’ajouteraient une autre condition, celle de rechercher « une utilité sociale » définie dans l’article 2 du projet. Et de citer le soutien à des personnes en situation de fragilité, la préservation, le développement du lien social, la lutte contre les exclusions et inégalités sanitaires, sociales et économiques, le maintien et le renforcement de la cohésion territoriale. 

Pour UNA il ne s’agit pas de construire une nouvelle ligne Maginot. Un regard au-delà de l’hexagone montre que l’entreprenariat social ne se réduit pas au type de structures de l’ESS française classique. Si une entreprise parvient à répondre à tous les critères des premiers articles de la future loi, elle aura bien mérité de pouvoir se réclamer de l’ESS ! Mais en donnant une définition aussi précise de l’utilité sociale pour les seules entreprises commerciales, les promoteurs de la loi semblent indiquer qu’ils attendent de ces structures un souffle nouveau que n’apporterait plus l’ESS traditionnelle. C’est un signe reçu négativement par de nombreux « historiques » dont nous faisons partie. Cette notion de recherche de l’utilité sociale aurait du être incluse dans la définition initiale de l’ESS. En faire une notion distincte rend certes plus difficile son accès au secteur commercial mais elle tend à « ringardiser » les organismes traditionnellement associées à l’ESS (association, coopérative etc.) puisque ce critère ne fait pas partie de leurs obligations.

Ambigüité d’un texte de loi qui a du composer avec beaucoup d’interlocuteurs ? Vraisemblablement en partie et notre fédération ne fera pas de procès d’intention au législateur. Il n’en reste pas moins qu’un malaise subsiste. Non les concepts de l’entreprenariat social, de l’innovation sociale ne sont pas désormais l’apanage des jeunes entreprises commerciales somme toute très peu nombreuses mais ils doivent être encore et toujours revendiqués par notre secteur.

L’ESS « traditionnelle » est présente dans la quasi-totalité des secteurs d’activité. Elle a souvent défriché des besoins émergents, devenus depuis des marchés à part entière : de l’aide à domicile, à la prévoyance, la formation, le tourisme social et familial, sans oublier le rôle joué par les assurances et les banques mutualistes ou coopératives. Ce sont les initiatives associatives qui ont permis de répondre aux besoins liés à la perte d’autonomie comme à l’autre bout de la chaine de la vie, c’est largement le secteur associatif qui a créé les premières solutions de garde collective des jeunes enfants. Notre secteur a toujours été un champ ouvert de créativité et d’innovations sociales en tous genres. Nous devons le réaffirmer.

Dans la période qui s’ouvre avec l’annonce de la future loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, nous devons en profiter pour montrer que notre secteur n’est pas en panne d’idées et qu’il continue de construire de nouvelles réponses tout en assurant la permanence des anciennes. C’est l’un des enjeux aussi des travaux menés avec l’ADF. Se concevoir comme partenaires des conseils généraux, c’est tout le contraire du rôle de simples prestataires de services, de supplétifs réalisant à bas coût des commandes qui reviendraient trop chères aux collectivités locales si elles les réalisaient directement.

Majoritaires dans un nombre de branches significatif dont la notre, l’économie sociale est en droit d’obtenir une représentativité qui lui permettrait de ne pas rester à la porte des négociations collectives interprofessionnelles comme ce fut le cas pour l’accord de janvier 2013. Le mouvement coopératif, mutualiste, associatif est enraciné dans une histoire concrète qui a démontré la viabilité de son modèle, mêlant réalisme économique, valeurs sociales et idéal de transformation de la société. Nous allons démontrer que l’économie sociale et solidaire, dans un monde en crise, a un bel avenir devant elle.