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09/09/2014

Il faut redonner de l’espoir à l’aide et aux soins à domicile ! - Edito d'Yves Vérollet, délégué général UNA


 
La rentrée 2014 va débuter comme beaucoup d’autres par la promesse d’une belle réforme en direction des personnes âgées en perte d’autonomie. Cette annonce est incluse dans un cadre beaucoup plus large et ambitieux : le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. Tout devrait alors pousser à l’optimisme et pourtant notre fédération est inquiète, très inquiète. Un grand nombre de nos associations sont en difficulté ou en équilibre instable. Les chiffres officiels (DARES) montrent que notre secteur auquel on prédisait un avenir radieux en matière d’emploi, stagne. Les débats vont se dérouler dans un climat de crise des finances publiques et sociales. Un plan d’économies est annoncé par le gouvernement. Même s’il y a eu un certain rétropédalage ces derniers jours, sur son ampleur, il va sans aucun doute toucher les institutions qui nous financent : collectivités territoriales, caisses de sécurité sociale.
 
Au moment où ce projet de loi vient en première lecture à l’assemblée nationale avant d’être rangé sur les étagères jusqu’au début de l’année prochaine pour cause de calendrier parlementaire, nous posons deux questions : est-ce que le secteur de l’aide et des soins à domicile sera vraiment pris en compte dans ce texte ? Une grande loi d’adaptation de la société au vieillissement peut-elle faire l’impasse d’un grand plan pour un secteur à l’importance majeure pour accompagner les personnes les plus fragiles ? (Lire le communiqué de presse du Collectif en date du 8 septembre 2014).
 
Notre fédération ne met pas en cause la volonté des concepteurs de ce texte, ni de ceux qui sont aujourd’hui chargés de le défendre. Lors des rencontres, nous percevons que les difficultés du secteur ne leur échappent pas. Mais en ces temps budgétairement incertains, la crainte d’arbitrages peu favorables est très présente.
 
En matière d’organisation, tout d’abord. Une réforme entreprise par nos fédérations et l’Assemblée des départements de France (ADF) vise à transformer les relations entre les conseils généraux et les services pour que ces derniers soient partout reconnus comme des partenaires et non de simples prestataires de services. En outre, comme nous l’écrivions déjà dans notre éditorial du 15 juillet, la Cour des Comptes note dans son dernier rapport sur les SAP que l’organisation actuelle (agrément – autorisation) est « source de complexité pour tous les intervenants et entraine des difficultés pour organiser la réponse aux besoins des personnes en perte d’autonomie ». Elle recommande « d’unifier le cadre réglementaire régissant l’activité de services à la personne auprès des publics fragiles ». Plusieurs rapports sont déjà allés en ce sens, dont celui tout récent de deux sénateurs du Pas-de-Calais.C’est aussi le point de vue d’UNA traduit dans une de nos propositions d’amendement transmise aux parlementaires. Rien de tout cela ne figure dans le texte, sinon une amorce bien timide d’une évolution de la méthode d’autorisation.
 
Le secteur souffre d’un manque reconnu de pilotage national et d’une gouvernance locale cohérente. Le projet de loi est victime d’un dommage collatéral provoqué par les débats sur la réforme territoriale. Les principaux dispositifs ont disparu du texte actuel sans que les parlementaires ne les aient remplacés par d’éventuelles autres propositions qui redonneraient du sens au texte. Autre sujet majeur, l’ensemble des acteurs conviennent du nécessaire rapprochement entre l’aide et le soin. Un seul article traite de ce sujet à travers l’objectif de développer les services polyvalents d’aide et de soin (Spasad) pour lequel avec l’ADF, la Fehap et la Croix Rouge, nous proposons des améliorations. Peut-on imaginer des passerelles entre le projet de loi vieillissement et les travaux autour de la stratégie nationale de santé et la loi de santé publique ? La construction de parcours de santé pour les personnes en perte d’autonomie fait semble-il consensus. Et bien organisons là !
 
Le resserrement des financements, a eu au fil des années deux conséquences : l’augmentation des restes à charges pour les bénéficiaires et la dégradation des conditions d’emploi des salariés. Une augmentation de la valeur du point de 1% signée au début de l’année 2014 qui serait la première depuis 2009 n’est toujours pas agréée. Même blocage pour les indemnités kilométriques. L’aide à domicile doit être la seule profession, sauf accord local avec le conseil général, au sein de laquelle des salariés pour l’essentiel payés au smic se paient une partie de leurs frais de déplacement. Dans beaucoup d’endroits des difficultés de recrutement sont fréquentes, le turn over et l’absentéisme se développent. Pourquoi ne pas imaginer aussi un travail interministériel en concertation avec les fédérations pour simplifier la carte des formations et des qualifications, décloisonner l’aide et le soin du point de vue des diplômes, organiser des passerelles entre les métiers des services à domicile et ceux exercés dans les établissements ?
 
Le flou enfin persiste sur l’affectation de la contribution additionnelle solidarité autonomie (CASA). Initialement elle devait servir la réforme dès 2014. Il a fallu une mobilisation très forte, à l’automne 2013 pour obtenir qu’une part soit affectée au financement d’un 3ème plan d’urgence (30M€). Notre fédération estime que, quelle que soit la date de parution de la future loi, la CASA doit commencer à être affectée dès 2014 au financement de plusieurs mesures dont celles concernant les personnels et prévues dès février 2014.
 
Notre fédération a estimé que le montant de la CASA était insuffisant pour mener à bien cette réforme (650 millions d’euros). Par exemple, l’enveloppe ne suffira pas pour définir sur tout le territoire des tarifs APA et PCH cohérents avec la réalité des prix de revient. Nous connaissons cependant l’état des finances publiques et la démagogie n’a jamais été dans la culture d’UNA. Alors nous proposons tout simplement au gouvernement de s’inspirer des propositions de la Cour des Comptes dans son rapport de juillet 2014 : « L'abaissement du plafond des dépenses éligibles pour les services dits de confort, avec maintien de plafonds élevés pour les services destinés aux enfants en bas âge et aux personnes fragiles (handicap, dépendance, ndlr), serait un moyen d'améliorer l'efficience de cette dépense fiscale » indique la Cour. Autre idée des sages de la rue Cambon, « la suppression ou le report de l’exonération de cotisations sociales accordée sous seule condition d’âge du bénéficiaire et sans prise en compte de sa situation de dépendance et de ses ressources ». Ces pistes auxquelles s’ajoute une troisième proposition seraient susceptibles de générer des économies de l’ordre d’1,3 milliard d’euros par an, qui pourraient être mobilisées en partie pour répondre aux enjeux du vieillissement. Atteindre ainsi le milliard d’euros dont 350 M€ en redéploiement permettrait de mettre en place tous les ingrédients d’une réforme réussie.
 

Madame Rossignol a annoncé devant l’Assemblée générale d’UNA sa volonté de présenter un plan d’action à la rentrée, information qu’elle a confirmée depuis. Comme à son habitude, notre fédération est prête à s’impliquer mais les promesses ont été tellement nombreuses depuis 7 ans qu’une déception de plus aurait des effets dévastateurs pour la confiance entre les pouvoirs publics, les professionnels du secteur et les dirigeants bénévoles des associations.