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02/04/2015

On ne peut pas bien soigner sans bien prendre soin - Entretien avec Denis Piveteau, conseiller d'Etat, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)


Entretien avec Denis Piveteau, conseiller d'Etat, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)
Propos recueillis par Philippe Frémeaux
Les Dossiers d'Alternatives Economiques Hors-série n° 001 - avril 2015

 

 

L'aide à domicile permet d'améliorer la qualité des prises en charge tout en les rendant économiquement moins coûteuses. Elle permet aussi aux personnes de continuer à participer à la vie sociale.

 

 

Quelle est la place de l'aide à domicile dans l'ensemble du système de santé français ?

L'aide et l'accompagnement à domicile ont un rôle majeur à jouer dans le grand tournant structurel qu'est en train de connaître la prise en charge du soin. On constate une montée continue de la part relative des maladies chroniques et, avec elle, une multiplication des situations complexes associant plusieurs pathologies. Ces situations appellent une pluralité de modes de prise en charge : traitements médicaux, mais aussi aide et accompagnement à domicile. Dans ce contexte, on ne peut pas bien soigner sans bien prendre soin, on ne peut plus faire du cure sans faire de care.

Ce grand pivotement structurel conduit à cette évidence, qui n'est cependant pas encore assez mise en lumière, qu'il n'y a pas de contradiction entre mieux soigner et maintenir l'inclusion dans la vie ordinaire. Il s'agit d'un changement de paradigme majeur par rapport à la logique sanitaire longtemps dominante. Une logique selon laquelle le soin était nécessairement mieux assuré au sein de l'institution hospitalière et qu'il fallait donc créer des lieux qui résumaient à eux seuls le soin, où l'on rentrerait quand on serait malade et d'où on sortirait bien portant.

 

D'où la nécessité d'articuler désormais le soin et l'accompagnement à domicile…

L'aide et l'accompagnement à domicile viennent répondre aux besoins de personnes confrontées à des problèmes de santé qui ne peuvent être pensés indépendamment de leurs problèmes d'autonomie. Des personnes qui ont des difficultés au long cours, qui sont amenées à vivre avec des maladies dont on ne guérit pas. Le système de soins est donc bien plus fréquemment confronté, sur le plan quantitatif, à la nécessité de soigner pour vivre avec sa maladie qu'à celle de soigner pour guérir de sa maladie.

Le travail sanitaire est désormais un travail de parcours. L'hôpital a bien entendu un rôle, mais ce ne devrait être qu'un rôle aigu, technique, ponctuel. L'enjeu, aujourd'hui, est de bien articuler son intervention avec l'avant et l'après.

Cette mutation impose également un changement de paradigme important pour le travail social. Car celui-ci a lui aussi été longtemps dans une logique d'institutionnalisation avec l'idée que la qualité de la prise en charge, dès lors que les situations devenaient complexes et difficiles, serait mieux assurée via l'accueil en institution.

Maintenir l'inclusion dans la vie ordinaire, c'est répondre à une attente citoyenne, mais c'est aussi rentrer dans une logique où les différentes interventions techniques ne sont proposées que si elles sont nécessaires. Où l'on sort du tout ou rien. On arrête de faire rentrer une personne en maison de retraite parce qu'elle est devenue légèrement invalide. On ne l'hospitalise plus immédiatement dès lors que son état ne le requiert pas réellement et qu'une autre solution de prise en charge adaptée peut être dégagée. Bref, il ne faut pas hésiter à hospitaliser une personne si c'est nécessaire, ou à la diriger vers une institution si c'est la seule garantie de sa sécurité, mais il ne faut le faire que lorsque c'est vraiment indispensable. Ce qui suppose de disposer d'une offre apte à accompagner et à gérer les situations de fragilité au domicile, devenue le pivot nécessaire de cette mutation profonde de la prise en charge du soin.

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