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30/06/2015

Discours d’Yves VEROLLET, Délégué Général UNA prononcé à la 49ème Assemblée générale UNA du 24 juin 2015 - Discours retraçant l'actualité politique et sociale de 2014


« J’engagerai aussi une réforme de la dépendance permettant de mieux accompagner la perte d’autonomie ». Cette phrase fait partie de la proposition 18 du candidat Hollande.

Je commence mon propos par cette citation car il ne m’est pas possible d’ignorer l’actualité: le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement est une nouvelle fois reporté. Peut-être de seulement quelques semaines ? (peut-on s’interroger). La promesse d’application en janvier 2016 va devenir difficile à tenir.

L’année 2014 avait pourtant bien commencé avec une concertation approfondie pour cette réforme attendue depuis 2007. UNA, pour appuyer ses interventions dans les auditions, réunions, rencontres a publié un document de 84 propositions qui fut largement diffusé, commenté, expliqué aux décideurs publics tout au long du premier semestre. Avec ce document, UNA s’est en effet dotée d’orientations – évidemment perfectibles pour certaines - qui lui permettent de s’exprimer clairement dans les ministères, au Parlement ou dans les administrations.

Puis tout se dérégla assez vite. Lors du changement de gouvernement nous avons connu une période d’incertitude et la crainte que le projet de loi ne connaisse le même sort que la réforme avortée de 2011. Il fut finalement déposé en juin.

Si l’assemblée nationale examina le texte en première lecture, la suite fut renvoyée à 2015. Et espérons-le pas plus loin !

UNA transmit à cette occasion en septembre plus d’une dizaine de propositions d’amendements aux parlementaires. Parallèlement d’autres propositions furent envoyées dans le cadre du PLFSS et du PLF pour 2015.

Dans le même temps, une motion votée (dans cette salle) lors de l’assemblée générale de juin 2014 lança une mobilisation qui trouvera (on le sait) son point d’orgue au mois de mars 2015. Au mois d’octobre UNA participa au sein du collectif de l’aide à domicile à une action lors de la présentation du PLFSS à l’Assemblé nationale, en particulier pour une utilisation de la CASA dès 2015.

Au-delà des personnes âgées. La fédération a œuvré toute l’année pour une meilleure reconnaissance du secteur de la petite enfance et pour une réforme des services Famille – les travaux se poursuivent en 2015  avec les pouvoirs publics et la CNAF

Dans le domaine du handicap, la fédération a poursuivi son travail pour le développement de notre réseau, déjà bien réel puisqu’il est le premier réseau d’intervention à domicile des personnes en situations de handicap.

 

UNA syndicat Employeur

Comme vous pouvez le constater sur le terrain, les contraintes financières que nous connaissons tendent de plus en plus les négociations sociales, même si nous pouvons nous satisfaire d’avoir mis fin au blocage de la valeur du point, sauvé le régime de prévoyance et signé un avenant sur le taux de cotisation de la formation professionnelle et l’accès au compte personnel de formation. 

 

Dès que l’on parle « argent », on sent immédiatement l’âpreté des discussions autour des arbitrages financiers qui semblent pourtant modestes entre les ministères « dépensiers » et les ministères « financiers ».

Cela me permet d’indiquer le bon climat qui règne entre les fédérations qui composent la branche. Au fil des années, la construction interfédérale, regroupant les quatre fédérations de la branche devient la règle pas seulement en matière de relations sociales mais aussi pour les démarches de lobbying en direction des pouvoirs publics, par exemple sur les différents projets de loi ou en 2014, l’élaboration de propositions sur le secteur « Famille » et « petite enfance ».

Même si les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous, il apparaît clairement que nous rencontrons une meilleure écoute lorsque nous apparaissons unis. Les évolutions du paysage dans le secteur médico-social ne peuvent que nous encourager à poursuivre dans cette voie si nous ne voulons pas à terme être marginalisés.

 

Je veux parler par exemple de la fusion SYNEAS – FEGAPEI. On peut parler aussi de la FEHAP qui peut avoir quelques opportunités dans la période. Même s’il s’agit de fédérations amies avec lesquelles nous devons parler, examiner les coopérations possibles, il n’en reste pas moins que la construction de notre branche peut-être fragilisée si nous ne réussissons pas à avancer sur cette question. En 2017, sur la base des cotisations 2016 la représentativité des organisations patronales sera à l’ordre du jour. Il faudra représenter 8% des 5 000 associations. ADMR, UNA sont éligibles, probablement ADESSA mais la situation sera différente si nous sommes capables de nous présenter en branche ou si nous préférons tous rester isolés.

Revenons quelques instants sur le projet de réforme concernant les personnes âgées.

Nous avons toujours pensé qu’une loi ne pouvait pas tout régler mais qu’il fallait l’accompagner d’un grand plan pour une nouvelle organisation du secteur.   Comment ?

Par l’investissement des ministères concernés et de la DGCS, par exemple dans les travaux initiés en 2010 par les fédérations avec l’ADF pour qu’enfin, au-delà de la question du financement global, une réflexion se mène avec tous les acteurs, pour déboucher sur une réforme pérenne. C‘est seulement en décembre que, répondant aux demandes des fédérations, Laurence Rossignol a relancé « le comité de pilotage de la refondation » qu’avaient installé madame Delaunay et Claudy Lebreton, le président d’alors de l’ADF, en juillet 2013.

Tard ; bien tard puisque en Juin 2015, nous en sommes seulement à traiter au fond du dossier du double régime juridique. Je peux vous dire que sur cette question, là aussi la crédibilité d’UNA est reconnue.

 

La partie 1 détaille l’activité de notre fédération sur tous les dossiers que je viens d’effleurer. Mais je voudrai terminer en évoquant très rapidement  deux sujets qu’il faut traiter pour réussir une vraie réforme :

Le dossier du financement global du risque dépendance et celui de l’évolution de ce secteur en rapprochant l’aide et le soin.

 

Sur le financement

Si le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement est voté, en gardant la répartition annoncée de la CASA, l’enveloppe pour l’APA sera revalorisée (350 M€ au total). Cette annonce n’est pas négligeable puisqu’elle correspond à une augmentation de plus de 10 % de l’enveloppe APA consacrée au domicile.

Cependant, les économies budgétaires auxquelles les collectivités locales vont être contraintes et le coût engendré par l’augmentation du nombre de personnes en perte d’autonomie risquent d’absorber une bonne partie de cet apport nouveau. Si, en outre la réforme ne s’attaque pas à l’anarchie tarifaire qui règne au niveau local, les désillusions ne seront pas loin.

C’est ce que dit l’ODAS - Observatoire national de l'action sociale décentralisée dans son rapport annuel sur les dépenses sociales des départements en 2014, en indiquant que « les financements publics et les participations des usagers ne suffisent pas à couvrir l’évolution du coût réel de prise en charge de la dépendance, et le maintien des emplois de proximité qui constituent ce secteur est en permanence remis en question. ».

 

Et il alerte sur le besoin de faire évoluer le financement des allocations payées par les départements. À savoir, pour celles relevant des secteurs personnes âgées et handicapées, le maintien d'un financement partagé "mais avec des règles fixes et durables", condition sine qua non à la rénovation des politiques sociales. Presque une résolution UNA ! Rappelons que les départements paient 70 % de l’APA

 

Au-delà de notre action pour faire appliquer la CASA ou obtenir un 4ème fonds de restructuration, ce que nous avons fait en 2014 et que nous faisons en 2015, il faut bien comprendre que depuis 2007, Il existe plusieurs débats sur le financement. J’en pointe 2 :

 

Un premier débat porte sur la place respective du financement public, du « reste à charge direct des personnes » et celle des mécanismes de prévoyance individuelle ou collective. La CNSA avait pointé cette question dès son rapport de 2007,  rapport sur les pistes de réforme possibles pour ce qu’elle avait nommé un nouveau champ de la protection sociale, qui fait toujours référence.

C’est ce débat essentiel qu’aucun gouvernement ne tranche depuis 8 ans.

Ce débat traverse aussi la question du régime juridique. Le maintien du système d’agrément actuel revient moins cher qu’une réforme de l’autorisation telle qu’on la prône puisque ce qu’économisent les financeurs publics est payé par le reste à charge des bénéficiaires. C’est, sous une autre forme ce qu’a dit madame Rossignol à notre congrès.

Un deuxième débat renvoie aux questions qui s’adressent à tous les risques « socialisés », c'est-à-dire aux choix du type de socialisation : cotisation, CSG (CASA), Reprise sur succession des personnes dépendantes, taxe sur l’ensemble des successions

Et l’on comprend vite que l’augmentation des prélèvements n’est plus à la mode en 2014. Cela dit sans augmenter les prélèvements, il faut se rappeler qu’un tout petit déplacement de CSG (0,1 %) ce serait plus d’un milliard d’euros dans l’escarcelle du Domicile. C’est ce que nous avons défendu au printemps avec les autres fédérations.

 

Deux sujets vont probablement surgir ces prochains mois sous des formes qui n’ont pas un lien direct avec la dépendance mais qu’il conviendrait pourtant de relier : les difficultés de plus en plus grandes des retraités pour payer leur complémentaire santé et la réflexion sur le contenu des prises en charge en matière d’assurance maladie obligatoire et complémentaire. François Hollande a par exemple indiqué devant le congrès de la Mutualité qu’il veut « une généralisation de la couverture complémentaire  effective des retraités en 2017 ».

Si au cours de ces débats qui peuvent entrainer des évolutions du contenu des prestations comme des cotisations, nous ne parvenons pas, à faire émerger celui sur le financement à long terme de la dépendance, nul doute que dans les années qui viennent les personnes à revenus moyens et faibles n’en paient une note élevée… et les associations aussi.

Et il n’est pas facile d’intégrer ces débats car l’économie sociale et solidaire jusqu’à présent était « hors champ » du débat public. Nous avons pu constater l’importance du statut nouveau acquis en 2014 par l’UDESreconnaissance « multiprofessionnelle » avec la FNSEA et l’UNAPL -, qui lui permet désormais d’être consultée sur la plupart des sujets économiques et sociaux traités par les pouvoirs publics et les partenaires sociaux et de travailler de manière régulière avec les autres organisations patronales.

Même si le dossier CICE n’a pas obtenu en 2014 une conclusion positive, cette reconnaissance de l’UDES nous a permis de pouvoir présenter nos propositions de réforme de la taxe sur les salaires oude CICE associatif de l’Elysée à Bercy en passant par Matignon et le ministère du Travail. Mais être consulté ne nous met pas encore au même niveau que les organisations patronales interprofessionnelles (MEDEF, CGPME, UPA) qui participent de manière beaucoup plus étroite aux concertations et siègent dans un certain nombre d’instances importantes ce qui n’est pas encore le cas de l’UDES.

(A propos du CICE, depuis la fin de 2014, nos interlocuteurs, malgré l’intérêt qu’ils disaient porter à nos propositions ne les retenaient pas dans l’attente d’une transformation du dispositif en allègements de charges. Les propos de FH et d’E Macron ce WE semblent le confirmer mais personne ne sait comment cela va se passer puisque par exemple au niveau du Smic ou dans son voisinage, hors le conventionnel, il ne reste quasiment aucune cotisation). Annonce pour 2017. La revendication de l’ESS sera de réclamer pour 2016

Quelles que soient les évolutions du financement – ne croyons pas trop à des lendemains enchanteurs -, Comme le disent certains d’entre vous, nous serons amenés à repenser notre modèle économique et à nous ouvrir à d’autres logiques économiques financières et territoriales.

 

L’aide et le soin : un rapprochement majeur pour notre secteur

 

Sur la refondation du secteur, ce sera le rapport d’activité 2015 qui pourra faire le bilan. Que reprendront les pouvoirs publics des expérimentations après le rapport IGAS, quelle conclusion au débat sur les régimes juridiques en cours aujourd’hui ?

 

En revanche, 2014 et 2015 seront peut-être des années décisives pour l’évolution du secteur. Aide et soins. Nous pouvons en effet aller un rapprochement majeur

 

Depuis longtemps, notre mouvement prône le rapprochement de l’aide et du soin. C’est pour cela qu’il s’est impliqué dans le développement des Spasad dès 2004. Il ne faut pas bouder notre plaisir de constater que le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement vise à relancer le développement de cette forme d’organisation. Ce sera peut-être au final l’élément central de cette loi.

 

Pour UNA, c’est une belle période qui pourrait commencer mais c’est aussi un défi. Pour la première fois, la position d’UNA de rapprocher les services d’aide et de soins trouve un écho favorable à un niveau gouvernemental. Une occasion pour enfin être de plain-pied dans le médico-social. Alors que parfois, on voit apparaître des projets de coordination des professionnels qui s’apparentent à des montages très compliqués, nos services pourraient voir leur rôle amplifié. D’autres fédérations que celles de la branche peuvent avoir un raisonnement identique au notre.

 

Dans ce domaine pas besoin de photo finish, nous avons une avance considérable par rapport au secteur privé lucratif. UNA contribue aux travaux pour que cette évolution soit une réussite (2014, 2015). Pour cela il s’agira de « casser » quelques cloisonnements entre les secteurs, y compris financiers. Il reste beaucoup de travail pour y parvenir. UNA, avec son réseau veut y participer activement.

 

L’implication d’UNA dans le domaine de la santé s’est renforcée en 2014 avec une pleine participation aux négociations avec la CNAM sur les centres de Santé et par la collaboration avec la FNEHAD et l’ADMR pour une étude sur les coopérations entre les services d’hospitalisation à domicile (HAD) et les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).

 

 

Pour conclure

 

Les associations représentent, avec les services publics 67 % des heures prestées en direction des personnes âgées. Elles devancent aussi le secteur privé pour les activités en direction des personnes en situation de handicap. Seul le secteur émergeant de la garde à domicile des jeunes enfants voit les mondes « associatif » et « privé » au coude à coude.

 

L’impression que donne notre secteur est qu’il n’assume pas toujours cet état de fait majoritaire. Contrecoups d’une loi mal vécue par le secteur (loi Borloo) qui a pu faire craindre une déferlante de la concurrence du privé ? Stratégie médiatique habile du secteur lucratif ? Oui sûrement mais aussi et surtout dans une période de contraction des dépenses publiques conjuguées aux difficultés de nombre de familles, les baisses d’activité sont plus sensibles dans le secteur qui domine le »marché ». La conséquence en est une montée du pessimisme et la crainte que le modèle du non lucratif ne soit lancé sur la pente du déclin.

 

Et pourtant, la période actuelle devrait plutôt nous faire croire en l’avenir. Dans tous les domaines d’intervention de nos services, les besoins évoluent et nous sommes en capacité de répondre. Le secteur non lucratif doit assumer son rôle de leader.

 

Nous sommes dans un secteur capable de créer des centaines de milliers d’emploi de qualité dans les années qui viennent pour peu que l’on arrête de le paupériser. Si le gouvernement le souhaite, il a les cartes en main. A nous de le convaincre par le dialogue et la mobilisation.