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21/09/2015

Loi vieillissement : innovations et carences - Edito d'Yves Vérollet Délégué général UNA


Les députés ont adopté le 16 septembre, en seconde lecture le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. Dans nos éditoriaux des mois de juillet et août, nous avons expliqué les derniers débats qui entouraient ce texte. Ils ont donné lieu à quelques joutes au Parlement entre la majorité qui proposait un régime unique d’autorisation supprimant pour grande partie l’agrément et l’opposition défendant plutôt le statu quo. Les députés ne sont pas parvenus à s’accorder sur une proposition consensuelle à la différence des sénateurs au mois de mars. C’est donc la proposition gouvernementale, déjà approuvée en commission des affaires sociales en juillet qui sera la nouvelle règle.

 

La loi apporte de nombreuses innovations pour le secteur du domicile : la mise en œuvre d’une politique de la prévention avec la mise en place de la conférence des financeurs dans les départements, une réglementation structurée des formes d’hébergement alternatif aux EHPA et EHPAD (résidence service, résidence autonomie), une revalorisation de l’APA avec enfin au bout de trois ans un fléchage de la CASA vers le secteur du domicile, la volonté affichée de développer les services polyvalents d’aide et de soins (SPASAD). Un apport fondamental concerne la suppression de l’agrément au profit d’un régime unique de l’autorisation pour les services prestataire intervenant dans le cadre de l’APA et de la PCH ainsi qu’une reconnaissance comme établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) des services conventionnés avec les CAF.

 

Pourtant si cette loi présente des aspects positifs elle comporte des insuffisances que les fédérations de la branche n’ont pas réussi à infléchir. Il n’est pas sûr qu’une grande partie de nos services constate de grands changements après sa promulgation. Il n’est pas sûr non plus, malgré l’effort financier du gouvernement que les personnes en perte d’autonomie voient leur situation évoluer de manière importante.

 

Pourquoi ce pessimisme alors que les fonds de la CASA seront bien utilisés pour le maintien à domicile et ne seront donc pas détournés comme nous pouvions le craindre ? Pour deux raisons essentielles. Une première, évidente, Les disparités territoriales ne seront pas réduites. Le rôle des conseils départementaux est même renforcé, puisqu’ils auront sous leur responsabilité l’ensemble des intervenants (autorisés et ex agréés devenus autorisés) et donc celle de la régulation du secteur. Loin de nous l’idée de refuser la régulation, normale dès qu’il s’agit de versements de prestations sociales et c’est, au demeurant, la logique qui sous-tend le système de l’autorisation. Notre inquiétude provient du choix gouvernemental de remettre aux conseils départementaux l’entière responsabilité de cette régulation sans partage. L’équité sur l’ensemble du territoire national ne fera donc aucun progrès.

 

La seconde raison qui explique notre scepticisme concerne le financement. Même si nous pouvons saluer cet effort dans un moment difficile pour les finances publiques, cette enveloppe n’est pas suffisante pour sortir le secteur de l’aide à domicile des difficultés qu’il traverse depuis 2009. Dans certains départements, elle servira seulement à stopper la dégradation des plans d’aide. Les trois fonds de restructuration ont colmaté des brèches mais n’ont pas apporté de solutions durables. Il faudra bien qu’un jour, le débat du financement de la dépendance soit mené pour déterminer le niveau de financement socialisé (aujourd’hui départements et CNSA) que notre pays entend consacrer à ce risque et la part laissée aux personnes ou en organisant un développement encadré des garanties offertes par les organismes complémentaires. Faute de choix, les gouvernements successifs ont laissé s’installer une situation qui plonge la majorité des services dans l’incertitude économique permanente.

 

Au-delà de ces deux questions fondamentales, d’autres points continuent de faire l’objet d’interventions de notre mouvement en lien avec les autres fédérations. Le projet de loi laisse subsister un agrément qui obligera les structures intervenant sous différents modes (prestataire et mandataire) à multiplier les démarches administratives. Le dispositif consacré aux SPASAD parait encore manquer d’ambition (pas de prise en compte du cout de la coordination, distinction budgétaire entre aide et soins) si les pouvoirs publics tiennent vraiment à leur développement.

 

Dans un rapport récent de France Stratégie, aides à domicile, aides-soignants et infirmiersfigureraient ainsi parmi les métiers qui gagneraient le plus d’emplois à l’horizon 2022, avec de l’ordre de 350 000 créations nettes en dix ans. Le métier d’aide à domicile serait même celui qui créerait le plus de postes sur les dix années à venir. Les pouvoirs publics sont devant un choix clair : soit la poursuite de la politique actuelle qui provoque au mieux la stagnation dans un secteur où les besoins sociaux sont énormes ; soit la réorientation de certains pans de sa politique financière, fiscale et sociale pour donner un coup de fouet à l’emploi dans cette branche. Le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement apporte une première réponse … encore bien incomplète.