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Ramener du sens par la différenciation, l'exemple de l'aide à domicile au coeur de l'économie sociale

 
Commençons peut-être par combattre une idée reçue : l’aide à domicile n’est pas un « fourre-tout » de services. L’aide à domicile, ce sont de vraies activités, de véritables métiers, rencontrant au quotidien des situations très variées, des plus simples aux plus complexes et sensibles. Elle permet à des personnes qui le souhaitent, fragilisées pour certaines par l’âge, la maladie ou le handicap, de continuer à vivre chez elle, d’être accompagnées - au quotidien - en fonction de leurs besoins.
 
Le secteur de l’aide à domicile vit depuis quelques années une révolution - particulièrement depuis le Plan Borloo de 2005 -, partagé entre son identité historique d’acteur social et son introduction dans le marché concurrentiel des fameux « services à la personne ». Or, sa fonction première d’accompagner les personnes fragiles à domicile, de protéger les usagers, doit rester au cœur de sa problématique : l’ouverture de cette activité à des nouvelles exigences commerciales et financières ne doit pas être au détriment de sa raison d’être.
 
C’est donc bien parce qu’elle est un métier de l’humain, au service du lien social, que l’aide à domicile se doit d’avoir une ambition de qualité et de professionnalisme, ne laissant pas la place à « l’à peu près ». Pour porter cette exigence, UNA, 1er réseau français d’aide, de soins et de services à domicile, a fait le choix des principes fondateurs de l’économie sociale : quel équilibre plus subtil que celui proposé par ce modèle d’entreprendre alliant projet politique et maîtrise économique ?
 
Loin d’être un paradoxe, l’économie sociale est tout simplement un choix de société, celui de remettre l’humain au cœur du contrat social. L’aide à domicile – dans sa globalité – doit faire ce choix, en portant toujours plus haut ses valeurs de solidarité. La force de son projet politique est bien de répondre à des enjeux de société et de devoir s’adapter sans cesse aux nouveaux besoins sociaux : l’évolution démographique, la revendication croissante à l’autonomie, la question du « vivre à domicile », l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle…
 
Euphémisme s’il en est, le contexte économique et politique est loin d’être favorable. Tandis que les financeurs publics s’évertuent à tirer les coûts vers le bas et à faire des économies « à tout prix », les entrepreneurs de l’économie sociale se doivent de tenir le cap ! Garder le sens de la responsabilité sociale, poursuivre les efforts en matière de qualité, encourager les parcours professionnels, les emplois non dé localisables… La rigueur économique et la pression sur les finances publiques nous amènent à être très vigilants sur la maîtrise des coûts mais ne doivent pas nous faire perdre de vue l’essentiel : le lien social et la qualité des services rendus grâce à des personnels formés, qualifiés et rémunérés correctement ! Nous - professionnels et pouvoirs publics - n’avons pas d’autre choix que d’accepter et assumer l’investissement que cela représente…
 
Dans ce contexte, l’économie sociale et solidaire défend un modèle de développement basé sur quelques principes fondamentaux, ainsi rappelés dans le Manifeste UNA « Pour un droit fondamental de vivre à domicile » (2006) :
  • « La non-lucrativité : les associations ne peuvent redistribuer les bénéfices à des actionnaires, le profit n’est pas le moteur de leur activité.
  • La gestion démocratique et participative qui favorise débats et partages au sein de la structure.
  • La solidarité : l’économie sociale et solidaire cherche à rompre avec l’individualisme au profit de la solidarité et du lien social.
  • La participation des personnes tant à l’élaboration des plans d’aide que dans celle des projets de services.
  • La création d’emplois pérennes et professionnalisés. Il s’agit d’un développement durable, en opposition à une logique répondant aux seules opportunités conjoncturelles du marché. »
Ce modèle contribue à l’accès de tous aux services d’aide à domicile et pas seulement aux plus solvables, dans le respect du projet de vie de chacun. Il permet l’exercice des droits individuels tout en répondant à des exigences liées à une éthique collective.
 
Et c’est bien de cela dont il est question dans le projet de loi en préparation sur le 5ème risque de protection sociale pour la prise en charge des personnes dépendantes : il est lui aussi une affaire de choix, celui de la société dans laquelle nous voulons vivre. Pour éviter de renforcer un système à deux vitesses, il est indispensable que le socle de financement du 5ème risque relève avant tout de la solidarité nationale : les financements publics, sont non seulement possibles (des précédents le prouvent), mais incontournables eu égard aux enjeux de société actuels.
 
Parce que l’économie sociale porte les valeurs de solidarité, de responsabilité sociale, de gouvernance démocratique, parce que la primauté est donnée à la personne, UNA souhaite que le rôle de ce modèle économique soit renforcé aux côtés pour accompagner les pouvoirs publics dans l’observation des réalités sociales et sanitaires et participer à l’élaboration des réponses.
 
André Flageul, Président d’UNA

Tribune libre parue dans "Rue Saint-Guillaume", Revue de l'association des Sciences Po, avril 2009

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